(Cet article a été rédigé à la demande du Post qui me proposait un décryptage storytelling des deux ans de présidence de Nicolas Sarkozy. J’ai utilisé la grille de lecture dont je me sers souvent avec mes clients, celles des dieux de l’Olympe, dont j’ai parlé dans la dernière newsletter. Un peu à ma surprise, l’article tourne en boucle sur pas mal de sites et de blogs depuis sa publication originale le 4/5. Le voici donc pour mes fidèles lecteurs du blog du storytelling)
Nicolas Sarkozy «fait» président depuis 2 ans. Jadis, les dieux régnaient sur l’Olympe et laissaient les Champs-Elysées aux mortels. Désormais, le président y fête son élection dans un célèbre restaurant bling-bling. Et si ceux qui ont présidé la 5e République avaient été des dieux, quelle(s) histoire(s) nous auraient-ils racontée(s), de de Gaulle à Sarkozy ?
Le storytelling consiste à trouver les histoires sous-jacentes que racontent les entreprises ou ceux qui nous gouvernent puisque, selon un mot souvent répété, «les hommes politiques sont des marques comme les autres». Et aujourd’hui, ce sont les marques qui écrivent pour beaucoup les nouvelles mythologies du quotidien (cf. ma dernière newsletter ici). Quid des hommes politiques ?
De Gaulle et Mitterrand sous le signe de Zeus
Si Charles de Gaulle était un dieu, ce serait Zeus bien sûr. Pas tant à cause de sa puissance – il peut lancer le trait de foudre destructeur – ou de l’aigle qui le symbolise mais parce qu’il est le dieu des dieux, un rôle qui convient bien au père de la 5e… Et aussi sans doute à cause de sa maîtrise du temps. Celui qui disait «Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France» a su maîtriser son «timing» aux grandes heures de son histoire qui étaient aussi celles de la nôtre (1940, 1958 etc.). Un même rapport au temps («il faut donner du temps au temps») animait François Mitterrand. Il lui fallut beaucoup d’opiniâtreté pour être élu, son ascension fut longue mais irrésistible. Et, longtemps décrié, il finira lui aussi par incarner la figure du président-monarque.
> Et si au lieu d’un dieu, nos deux présidents avaient été une marque (crime de lèse-majesté que j’assume !), ce serait une entreprise patrimoniale comme Air France ou alors les montres Patek Philippe dont le slogan est : «Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures».
Pompidou et Chirac protecteurs comme Athéna
Fille de Zeus, Athéna protégeait avec son égide la cité et ses habitants : commerçants, artisans et agriculteurs. C’est la déesse de l’(état)providence, celle qui joue de sa proximité pour panser les plaies du pays. Georges Pompidou en son temps – réconcilier les deux France de 1968, gérer la fin des 30 Glorieuses sans trop de casse etc. – et Jacques Chirac ensuite, pourraient s’en réclamer. Celui qui fut élu sur la promesse de résorber la fracture sociale, passionné par les cultures des peuples premiers à protéger, a désormais retrouvé dans l’opinion la sympathie qu’il inspirait quand il serrait les mains des paysans dans les allées du Salon de l’agriculture.
> Si nos deux présidents avaient été une marque, ce pourrait évidemment être «une Corona qu’on boit entre potes» mais plus sûrement un produit Nestlé, ce groupe dont le logo évoque un nid douillet dans lequel les oisillons sont nourris et protégés par leur mère…
Giscard d’Estaing dans le miroir d’Apollon
Apollon disperse la nuit et accompagne la course du soleil. Dieu de la clarté, donc de la connaissance, il apporte la modernité, il la force même en faisant fi de toutes les résistances mais c’est au prix d’une grande arrogance. Valéry Giscard d’Estaing, qui a abaissé le droit de vote à 18 ans et légalisé l’avortement, est plus novateur qu’on ne le décrit souvent. Mais comme Louis XIV avant lui, il s’est beaucoup contemplé dans le miroir du soleil. Au point comme Narcisse, autre figure apollonienne, de tomber amoureux de sa propre image ? Et d’en oublier tous les autres…
> Si Giscard d’Estaing était une marque, ce pourrait être L’Oréal («Parce que je le vaux bien») ou encore une collection de prestige qu’on met dans sa bibliothèque, comme l’Encyclopaedia Universalis (du temps où le savoir était descendant et surtout pas Wikipédia où il est devenu – horreur ! – collaboratif)
Quant à Nicolas Sarkozy, son cas est intéressant puisqu’il me semble ressortir de deux dieux à la fois. Ainsi que Carla Bruni… Mais c’est une autre histoire que je garde pour mon prochain post…